Thomas H. Cook était l’invité de la dernière édition de QdP pour son roman Au lieu-dit Noir-Etang, paru cette année au Seuil Policiers. Comme souvent, nous nous sommes contentés, faute de temps, de lire cet ouvrage. Enthousiasmés par cette lecture, nous avons, sur les conseils d’Erik Fitoussi de la Librairie Passages, poursuivi la découverte de cet auteur avec Les Feuilles mortes, roman publié en 2006, disponible en Folio policier…

Habile, d’une écriture souple et expressive, Les feuilles mortes est un grand roman sur le doute, le soupçon, la culpabilité.

Ces thèmes ont déjà été au cœur d’œuvres de référence, Mystic River (2001) de Dennis Lehane et Quatre garçons dans la nuit (2003) de Val McDermid, pour n’en citer que deux.

L’originalité de Cook est que, comme dans le film Before and After (1996) de Barbet Schroeder et sur un thème voisin, il situe la totalité de l’intrigue au cœur du cercle familial.

Seconde originalité, le narrateur est le personnage principal et c’est donc à travers lui, à travers ses doutes et soupçons, que le lecteur vit et ressent l’incertitude du réel. Marié et père, il vit dans la félicité jusqu’au basculement de son existence. Des années après, il relate avec mélancolie et nostalgie la perte du paradis perdu et les événements qui en sont à l’origine.

La structure du roman est élaborée autour de multiples flash-back et mélange trois temporalités : le présent du narrateur auquel les feuilles d’automne du titre renvoient (Red Leaves en VO), le passé de l’intrigue principale, et enfin le temps de son enfance.

Le secret, le doute et la suspicion qui envahissent le narrateur, et à travers lui le lecteur, ne concernent pas seulement la famille qu’il a créée (sa femme et son fils), mais aussi celle dont il est issu (ses parents, son frère et sa sœur).

Comme Patrick Modiano et François Guillaume Lorrain, il appuie ses retours en arrière sur la présentation de photographies, mais à l’inverse de ceux-ci qui voyaient en elles des points d’appui, il les considère uniquement comme des leurres : « Les photos de famille mentent »

Le dénouement, s’il maintient certaines zones d’ombre, est d’une noirceur totale. Une des forces de Thomas H. Cook est de traiter cette tragédie avec pudeur et retenue, porté par une écriture élégante et désespérée.